Benoit XVI rencontre les Eveques de France
Messieurs les Cardinaux, Très chers Frères dans lÉpiscopat !
Cest la première fois depuis le début de mon Pontificat que jai la joie de vous rencontrer tous ensemble. Je salue cordialement votre Président, le Cardinal André Vingt-Trois, et je le remercie des paroles aimables quil ma adressées en votre nom. Je salue aussi avec plaisir les Vice-Présidents ainsi que le Secrétaire Général et ses collaborateurs. Je salue chaleureusement chacun de vous, mes Frères dans lÉpiscopat, qui êtes venus des quatre coins de France et dOutre-mer. Jinclus également Mgr François Garnier, Archevêque de Cambrai, qui célèbre aujourdhui à Valenciennes le Millénaire de Notre-Dame du Saint-Cordon.
Je me réjouis dêtre parmi vous ce soir dans cet hémicycle « Sainte Bernadette », qui est le lieu ordinaire de vos prières et de vos rencontres, lieu où vous exposez vos soucis et vos espérances, et lieu de vos discussions et de vos réflexions. Cette salle est située à un endroit privilégié près de la grotte et des basiliques mariales. Certes, les visites ad limina vous font rencontrer régulièrement le Successeur de Pierre à Rome, mais ce moment, que nous vivons, nous est donné comme une grâce pour réaffirmer les liens étroits qui nous unissent dans le partage du même sacerdoce directement issu de celui du Christ rédempteur. Je vous encourage à continuer à travailler dans lunité et la confiance, en pleine communion avec Pierre qui est venu pour raffermir votre foi. Bien nombreuses sont actuellement vos préoccupations ! Je sais que vous avez à coeur de travailler dans le nouveau cadre défini par la réorganisation de la carte des provinces ecclésiastiques, et je men réjouis vivement. Je voudrais profiter de cette occasion pour réfléchir avec vous sur quelques thèmes que je sais être au centre de votre attention.
LÉglise - Une, Sainte, Catholique et Apostolique - vous a enfantés par le Baptême. Elle vous a appelés à son service ; vous lui avez donné votre vie, dabord comme diacres et prêtres, puis comme évêques. Je vous exprime toute mon estime pour ce don de vos personnes : malgré lampleur de la tâche, que ne vient pas diminuer lhonneur quelle comporte - honor, onus ! - vous accomplissez avec fidélité et humilité la triple tâche qui est la vôtre : enseigner, gouverner, sanctifier suivant la Constitution Lumen Gentium (nn. 25-28) et le décret Christus Dominus. Successeurs des Apôtres, vous représentez le Christ à la tête des diocèses qui vous ont été confiés, et vous vous efforcez dy réaliser le portrait de lÉvêque tracé par saint Paul ; vous avez à grandir sans cesse dans cette voie, afin dêtre toujours plus « hospitaliers, amis du bien, pondérés, justes, pieux, maîtres de vous, attachés à lenseignement sûr, conformes à la doctrine » (cf. Tt 1, 8-9). Le peuple chrétien doit vous considérer avec affection et respect. Dès les origines, la tradition chrétienne a insisté sur ce point : « Tous ceux qui sont à Dieu et à Jésus-Christ, ceux-là sont avec lÉvêque », disait saint Ignace dAntioche (Aux Philad. 3, 2), qui ajoutait encore : « celui que le maître de maison envoie pour administrer sa maison, il faut que nous le recevions comme celui-là même qui la envoyé » (Aux Eph. 6, 1). Votre mission, spirituelle surtout, consiste donc à créer les conditions nécessaires pour que les fidèles puissent « chanter dune seule voix par Jésus-Christ un hymne au Père » (Ibid. 4, 2) et faire ainsi de leur vie une offrande à Dieu.
Vous êtes à juste titre convaincus que, pour faire grandir en chaque baptisé le goût de Dieu et la compréhension du sens de la vie, la catéchèse est dune importance fondamentale. Les deux instruments principaux dont vous disposez, le Catéchisme de lÉglise catholique et le Catéchisme des Évêques de France constituent de précieux atouts. Ils donnent de la foi catholique une synthèse harmonieuse et permettent dannoncer lÉvangile dans une fidélité réelle à sa richesse. La catéchèse nest pas dabord affaire de méthode, mais de contenu, comme lindique son nom même : il sagit dune saisie organique (kat-echein) de lensemble de la révélation chrétienne, apte à mettre à la disposition des intelligences et des coeurs la Parole de Celui qui a donné sa vie pour nous. De cette manière, la catéchèse fait retentir au coeur de chaque être humain un unique appel sans cesse renouvelé : « Suis-moi » (Mt 9, 9). Une soigneuse préparation des catéchistes permettra la transmission intégrale de la foi, à lexemple de saint Paul, le plus grand catéchiste de tous les temps, vers lequel nous regardons avec une admiration particulière en ce bimillénaire de sa naissance. Au milieu des soucis apostoliques, il exhortait ainsi : « Un temps viendra où lon ne supportera plus lenseignement solide, mais, au gré de leur caprice, les gens iront chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison dentendre du nouveau. Ils refuseront dentendre la Vérité pour se tourner vers des récits mythologiques » (2 Tm 4, 3-4). Conscients du grand réalisme de ses prévisions, avec humilité et persévérance vous vous efforcez de correspondre à ses recommandations : « Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps ... avec une grande patience et avec le souci dinstruire » (2 Tm 4, 2).
Pour réaliser efficacement cette tâche, vous avez besoin de collaborateurs. Pour cette raison les vocations sacerdotales et religieuses méritent plus que jamais dêtre encouragées. Jai été informé des initiatives qui sont prises avec foi en ce domaine, et je tiens à apporter tout mon soutien à ceux qui nont pas peur, tel le Christ, dinviter jeunes ou moins jeunes à se mettre au service du Maître qui est là et qui appelle (cf. Jn 11, 28). Je voudrais remercier chaleureusement et encourager toutes les familles, toutes les paroisses, toutes les communautés chrétiennes et tous les mouvements dÉglise qui sont la bonne terre qui donne le bon fruit (cf. Mt 13, 8) des vocations. Dans ce contexte, je ne veux pas omettre dexprimer ma reconnaissance pour les innombrables prières de vrais disciples du Christ et de son Église. Il y a parmi eux des prêtres, des religieux et religieuses, des personnes âgées ou des malades, des prisonniers aussi, qui durant des décennies ont fait monter vers Dieu leurs supplications pour accomplir le commandement de Jésus : « Priez donc le maître de la moisson denvoyer des ouvriers pour sa moisson » (Mt 9, 38). LÉvêque et les communautés de fidèles doivent, pour ce qui les concerne, favoriser et accueillir les vocations sacerdotales et religieuses, en sappuyant sur la grâce que donne lEsprit Saint pour opérer le discernement nécessaire. Oui, très chers Frères dans lépiscopat, continuez à appeler au sacerdoce et à la vie religieuse, tout comme Pierre a lancé ses filets sur lordre du Maître, alors quil avait passé la nuit à pêcher sans rien prendre (cf. Lc 5, 5).
On ne dira jamais assez que le sacerdoce est indispensable à lÉglise, dans lintérêt même du laïcat. Les prêtres sont un don de Dieu pour lÉglise. Les prêtres ne peuvent déléguer leurs fonctions aux fidèles en ce qui concerne leurs missions propres. Chers Frères dans lépiscopat, je vous invite à rester soucieux daider vos prêtres à vivre dans une union intime avec le Christ. Leur vie spirituelle est le fondement de leur vie apostolique. Vous les exhorterez avec douceur à la prière quotidienne et à la célébration digne des Sacrements, surtout de lEucharistie et de la Réconciliation, comme le faisait saint François de Sales pour ses prêtres. Tout prêtre doit pouvoir se sentir heureux de servir lÉglise. A lécole du curé dArs, fils de votre terre et patron de tous les curés du monde, ne cessez pas de redire quun homme ne peut rien faire de plus grand que de donner aux fidèles le corps et le sang du Christ, et de pardonner les péchés. Cherchez à être attentifs à leur formation humaine, intellectuelle et spirituelle et à leurs moyens dexistence. Essayez, malgré le poids de vos lourdes occupations, de les rencontrer régulièrement et sachez les recevoir comme des frères et des amis (cf. LG 28 et CPE 16). Les prêtres ont besoin de votre affection, de votre encouragement et de votre sollicitude. Soyez proches deux et ayez une attention particulière pour ceux qui sont en difficulté, malades ou âgés (cf. CPE 16). Noubliez pas quils sont comme le dit le Concile Vatican II, reprenant la superbe expression utilisée par saint Ignace dAntioche aux Magnésiens, « la couronne spirituelle de lÉvêque » (LG 41).
Le culte liturgique est lexpression suprême de la vie sacerdotale et épiscopale, comme aussi de lenseignement catéchétique. Votre charge de sanctification du peuple des fidèles, chers Frères, est indispensable à la croissance de lÉglise. Jai été amené à préciser, dans le Motu proprio Summorum Pontificum, les conditions dexercice de cette charge, en ce qui concerne la possibilité dutiliser aussi bien le missel du bienheureux Jean XXIII (1962) que celui du Pape Paul VI (1970). Des fruits de ces nouvelles dispositions ont déjà vu le jour, et jespère que lindispensable pacification des esprits est, grâce à Dieu, en train de se faire. Je mesure les difficultés qui sont les vôtres, mais je ne doute pas que vous puissiez parvenir, en temps raisonnable, à des solutions satisfaisantes pour tous, afin que la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage. Nul nest de trop dans lÉglise. Chacun, sans exception, doit pouvoir sy sentir chez lui, et jamais rejeté. Dieu qui aime tous les hommes et ne veut en perdre aucun nous confie cette mission de Pasteurs, en faisant de nous les Bergers de ses brebis. Nous ne pouvons que Lui rendre grâce de lhonneur et de la confiance quIl nous fait. Efforçons-nous donc toujours dêtre des serviteurs de lunité !
Quels sont les autres domaines qui requièrent une plus grande attention ? Les réponses peuvent différer dun diocèse à lautre, mais il y a certainement un problème qui apparaît partout dune urgence particulière : cest la situation de la famille. Nous savons que le couple et la famille affrontent aujourdhui de vraies bourrasques. Les paroles de lévangéliste à propos de la barque dans la tempête au milieu du lac peuvent sappliquer à la famille : « Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait » (Mc 4, 37). Les facteurs qui ont amené cette crise sont bien connus, et je ne mattarderai donc pas à les énumérer. Depuis plusieurs décennies, des lois ont relativisé en différents pays sa nature de cellule primordiale de la société. Souvent, elles cherchent plus à sadapter aux moeurs et aux revendications de personnes ou de groupes particuliers, quà promouvoir le bien commun de la société. Lunion stable dun homme et dune femme, ordonnée à la construction dun bonheur terrestre grâce à la naissance denfants donnés par Dieu, nest plus, dans lesprit de certains, le modèle auquel lengagement conjugal se réfère. Cependant lexpérience enseigne que la famille est le socle sur lequel repose toute la société. De plus, le chrétien sait que la famille est aussi la cellule vivante de lÉglise. Plus la famille sera imprégnée de lesprit et des valeurs de lÉvangile, plus lÉglise elle-même en sera enrichie et répondra mieux à sa vocation. Dailleurs je connais et jencourage vivement les efforts que vous faites afin dapporter votre soutien aux différentes associations qui oeuvrent pour aider les familles. Vous avez raison de maintenir, même à contre-courant, les principes qui font la force et la grandeur du Sacrement de mariage. LÉglise veut rester indéfectiblement fidèle au mandat que lui a confié son Fondateur, notre Maître et Seigneur Jésus-Christ. Elle ne cesse de répéter avec Lui : « Ce que Dieu a uni, que lhomme ne le sépare pas ! » (Mt 19, 6). LÉglise ne sest pas donné cette mission : elle la reçue. Certes, personne ne peut nier lexistence dépreuves, parfois très douloureuses, que traversent certains foyers. Il faudra accompagner ces foyers en difficulté, les aider à comprendre la grandeur du mariage, et les encourager à ne pas relativiser la volonté de Dieu et les lois de vie quIl nous a données. Une question particulièrement douloureuse est celle des divorcés remariés. LÉglise, qui ne peut sopposer à la volonté du Christ, maintient fermement le principe de lindissolubilité du mariage, tout en entourant de la plus grande affection ceux et celles qui, pour de multiples raisons, ne parviennent pas à le respecter. On ne peut donc admettre les initiatives qui visent à bénir des unions illégitimes. LExhortation apostolique Familiaris consortio a indiqué le chemin ouvert par une pensée respectueuse de la vérité et de la charité.
Les jeunes, je le sais bien, chers Frères, sont au centre de vos préoccupations. Vous leur consacrez beaucoup de temps, et vous avez raison. Ainsi que vous avez pu le constater, je viens den rencontrer une multitude à Sydney, au cours de la Journée Mondiale de la Jeunesse. Jai apprécié leur enthousiasme et leur capacité de se consacrer à la prière. Tout en vivant dans un monde qui les courtise et qui flatte leurs bas instincts, portant, eux aussi, le poids bien lourd dhéritages difficiles à assumer, les jeunes conservent une fraîcheur dâme qui a fait mon admiration. Jai fait appel à leur sens des responsabilités en les invitant à sappuyer toujours sur la vocation que Dieu leur a donnée au jour de leur Baptême. « Notre force, cest ce que le Christ veut de nous », disait le Cardinal Jean-Marie Lustiger. Au cours de son premier voyage en France, mon vénéré Prédécesseur avait fait entendre aux jeunes de votre pays un discours qui na rien perdu de son actualité et qui avait alors reçu un accueil dune ferveur inoubliable. « La permissivité morale ne rend pas lhomme heureux », avait-il proclamé au Parc-des-Princes, sous des tonnerres dapplaudissements. Le bon sens qui inspirait la saine réaction de son auditoire nest pas mort. Je prie lEsprit Saint de parler au coeur de tous les fidèles et, plus généralement, de tous vos compatriotes, afin de leur donner - ou de leur rendre - le goût dune vie menée selon les critères dun bonheur véritable.
A lÉlysée, jai évoqué lautre jour loriginalité de la situation française que le Saint-Siège désire respecter. Je suis convaincu, en effet, que les Nations ne doivent jamais accepter de voir disparaître ce qui fait leur identité propre. Dans une famille, les différents membres ont beau avoir le même père et la même mère, ils ne sont pas des individus indifférenciés, mais bien des personnes avec leur propre singularité. Il en va de même pour les pays, qui doivent veiller à préserver et développer leur culture propre, sans jamais la laisser absorber par dautres ou se noyer dans une terne uniformité. « La Nation est en effet, pour reprendre les termes du Pape Jean-Paul II, la grande communauté des hommes qui sont unis par des liens divers, mais surtout, précisément, par la culture. La Nation existe "par" la culture et "pour" la culture, et elle est donc la grande éducatrice des hommes pour quils puissent "être davantage" dans la communauté » (Discours à lUNESCO, 2 juin 1980, n. 14). Dans cette perspective, la mise en évidence des racines chrétiennes de la France permettra à chacun des habitants de ce Pays de mieux comprendre doù il vient et où il va. Par conséquent, dans le cadre institutionnel existant et dans le plus grand respect des lois en vigueur, il faudrait trouver une voie nouvelle pour interpréter et vivre au quotidien les valeurs fondamentales sur lesquelles sest construite lidentité de la Nation. Votre Président en a évoqué la possibilité.
Les présupposés sociopolitiques dune antique méfiance, ou même dhostilité, sévanouissent peu à peu. LÉglise ne revendique pas la place de lÉtat. Elle ne veut pas se substituer à lui. Elle est une société basée sur des convictions, qui se sait responsable du tout et ne peut se limiter à elle-même. Elle parle avec liberté, et dialogue avec autant de liberté dans le seul désir darriver à la construction de la liberté commune. Une saine collaboration entre la Communauté politique et lÉglise, réalisée dans la conscience et le respect de lindépendance et lautonomie de chacune dans son propre domaine, est un service rendu à lhomme, ordonné à son épanouissement personnel et social. De nombreux points, prémices dautres qui sy ajouteront selon les nécessités, ont déjà été examinés et résolus au sein de l « Instance de Dialogue entre lÉglise et lÉtat ». En vertu de sa mission propre et au nom du Saint-Siège, le Nonce Apostolique y siège naturellement, lui qui est appelé à suivre activement la vie de lÉglise et sa situation dans la société.
Comme vous le savez, mes prédécesseurs, le bienheureux Jean XXIII, ancien Nonce à Paris, et le Pape Paul VI, ont voulu des Secrétariats qui sont devenus, en 1988, le Conseil Pontifical pour la promotion de lUnité des Chrétiens et le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux. Sy ajoutèrent très vite la Commission pour les Rapports Religieux avec le Judaïsme et la Commission pour les Rapports Religieux avec les Musulmans. Ces structures sont en quelque sorte la reconnaissance institutionnelle et conciliaire des innombrables initiatives et réalisations antérieures. Des commissions ou conseils similaires se trouvent dailleurs dans votre Conférence Épiscopale et dans vos Diocèses. Leur existence et leur fonctionnement démontrent la volonté de lÉglise daller de lavant (...) dans le dialogue bilatéral. La récente Assemblée plénière du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux a mis en évidence que le dialogue authentique demande comme conditions fondamentales une bonne formation pour ceux qui le promeuvent, et un discernement éclairé pour avancer peu à peu dans la découverte de la Vérité. Lobjectif des dialogues oecuménique et interreligieux, différents naturellement dans leur nature et leur finalité respective, est la recherche et lapprofondissement de la Vérité. Il sagit donc dune tâche noble et obligatoire pour tout homme de foi, car le Christ lui-même est la Vérité. La construction des ponts entre les grandes traditions ecclésiales chrétiennes et le dialogue avec les autres traditions religieuses, exigent un réel effort de connaissance réciproque, car lignorance détruit plus quelle ne construit. Par ailleurs, il ny a que la Vérité qui permette de vivre authentiquement le double Commandement de lAmour que nous a laissé Notre Sauveur. Certes, il faut suivre avec attention les différentes initiatives entreprises et discerner celles qui favorisent la connaissance et le respect réciproques, ainsi que la promotion du dialogue, et éviter celles qui conduisent à des impasses. La bonne volonté ne suffit pas. Je crois quil est bon de commencer par lécoute, puis de passer à la discussion théologique pour arriver enfin au témoignage et à lannonce de la foi elle-même (cf. Note doctrinale sur certains aspects de lévangélisation, n. 12, 3 décembre 2007). Puisse lEsprit Saint vous donner le discernement qui doit caractériser tout Pasteur ! Saint Paul recommande : « Discernez la valeur de toute chose. Ce qui est bien, gardez-le ! » (1 Th 5, 21). La société globalisée, pluriculturelle et pluri-religieuse dans laquelle nous vivons, est une opportunité que nous donne le Seigneur de proclamer la Vérité et dexercer lAmour afin datteindre tout être humain sans distinction, même au-delà des limites de lÉglise visible.
Lannée qui a précédé mon élection au Siège de Pierre, jai eu la joie de venir dans votre pays pour y présider les cérémonies commémoratives du soixantième anniversaire du débarquement en Normandie. Rarement comme alors, jai senti lattachement des fils et des filles de France à la terre de leurs aïeux. La France célébrait alors sa libération temporelle, au terme dune guerre cruelle qui avait fait de nombreuses victimes. Aujourdhui, cest surtout en vue dune véritable libération spirituelle quil convient doeuvrer. Lhomme a toujours besoin dêtre libéré de ses peurs et de ses péchés. Lhomme doit sans cesse apprendre ou réapprendre que Dieu nest pas son ennemi, mais son Créateur plein de bonté. Lhomme a besoin de savoir que sa vie a un sens et quil est attendu, au terme de son séjour sur la terre, pour partager à jamais la gloire du Christ dans les cieux. Votre mission est damener la portion du Peuple de Dieu confiée à vos soins à la reconnaissance de ce terme glorieux. Veuillez trouver ici lexpression de mon admiration et de ma gratitude pour tout ce que vous faites afin daller en ce sens. Veuillez être assurés de ma prière quotidienne pour chacun de vous. Veuillez croire que je ne cesse de demander au Seigneur et à sa Mère de vous guider sur votre route. Avec joie et émotion, je vous confie, très chers Frères dans lÉpiscopat, à Notre Dame de Lourdes et à sainte Bernadette. La puissance de Dieu sest toujours déployée dans la faiblesse. LEsprit Saint a toujours lavé ce qui était souillé, abreuvé ce qui était sec, redressé ce qui était déformé. Le Christ Sauveur, qui a bien voulu faire de nous les instruments de la communication de son amour aux hommes, ne cessera jamais de vous faire grandir dans la foi, lespérance et la charité, pour vous donner la joie damener à Lui un nombre croissant dhommes et de femmes de notre temps. En vous confiant à sa force de Rédempteur, je vous donne à tous et de tout coeur une affectueuse Bénédiction Apostolique.
Cest la première fois depuis le début de mon Pontificat que jai la joie de vous rencontrer tous ensemble. Je salue cordialement votre Président, le Cardinal André Vingt-Trois, et je le remercie des paroles aimables quil ma adressées en votre nom. Je salue aussi avec plaisir les Vice-Présidents ainsi que le Secrétaire Général et ses collaborateurs. Je salue chaleureusement chacun de vous, mes Frères dans lÉpiscopat, qui êtes venus des quatre coins de France et dOutre-mer. Jinclus également Mgr François Garnier, Archevêque de Cambrai, qui célèbre aujourdhui à Valenciennes le Millénaire de Notre-Dame du Saint-Cordon.
Je me réjouis dêtre parmi vous ce soir dans cet hémicycle « Sainte Bernadette », qui est le lieu ordinaire de vos prières et de vos rencontres, lieu où vous exposez vos soucis et vos espérances, et lieu de vos discussions et de vos réflexions. Cette salle est située à un endroit privilégié près de la grotte et des basiliques mariales. Certes, les visites ad limina vous font rencontrer régulièrement le Successeur de Pierre à Rome, mais ce moment, que nous vivons, nous est donné comme une grâce pour réaffirmer les liens étroits qui nous unissent dans le partage du même sacerdoce directement issu de celui du Christ rédempteur. Je vous encourage à continuer à travailler dans lunité et la confiance, en pleine communion avec Pierre qui est venu pour raffermir votre foi. Bien nombreuses sont actuellement vos préoccupations ! Je sais que vous avez à coeur de travailler dans le nouveau cadre défini par la réorganisation de la carte des provinces ecclésiastiques, et je men réjouis vivement. Je voudrais profiter de cette occasion pour réfléchir avec vous sur quelques thèmes que je sais être au centre de votre attention.
LÉglise - Une, Sainte, Catholique et Apostolique - vous a enfantés par le Baptême. Elle vous a appelés à son service ; vous lui avez donné votre vie, dabord comme diacres et prêtres, puis comme évêques. Je vous exprime toute mon estime pour ce don de vos personnes : malgré lampleur de la tâche, que ne vient pas diminuer lhonneur quelle comporte - honor, onus ! - vous accomplissez avec fidélité et humilité la triple tâche qui est la vôtre : enseigner, gouverner, sanctifier suivant la Constitution Lumen Gentium (nn. 25-28) et le décret Christus Dominus. Successeurs des Apôtres, vous représentez le Christ à la tête des diocèses qui vous ont été confiés, et vous vous efforcez dy réaliser le portrait de lÉvêque tracé par saint Paul ; vous avez à grandir sans cesse dans cette voie, afin dêtre toujours plus « hospitaliers, amis du bien, pondérés, justes, pieux, maîtres de vous, attachés à lenseignement sûr, conformes à la doctrine » (cf. Tt 1, 8-9). Le peuple chrétien doit vous considérer avec affection et respect. Dès les origines, la tradition chrétienne a insisté sur ce point : « Tous ceux qui sont à Dieu et à Jésus-Christ, ceux-là sont avec lÉvêque », disait saint Ignace dAntioche (Aux Philad. 3, 2), qui ajoutait encore : « celui que le maître de maison envoie pour administrer sa maison, il faut que nous le recevions comme celui-là même qui la envoyé » (Aux Eph. 6, 1). Votre mission, spirituelle surtout, consiste donc à créer les conditions nécessaires pour que les fidèles puissent « chanter dune seule voix par Jésus-Christ un hymne au Père » (Ibid. 4, 2) et faire ainsi de leur vie une offrande à Dieu.
Vous êtes à juste titre convaincus que, pour faire grandir en chaque baptisé le goût de Dieu et la compréhension du sens de la vie, la catéchèse est dune importance fondamentale. Les deux instruments principaux dont vous disposez, le Catéchisme de lÉglise catholique et le Catéchisme des Évêques de France constituent de précieux atouts. Ils donnent de la foi catholique une synthèse harmonieuse et permettent dannoncer lÉvangile dans une fidélité réelle à sa richesse. La catéchèse nest pas dabord affaire de méthode, mais de contenu, comme lindique son nom même : il sagit dune saisie organique (kat-echein) de lensemble de la révélation chrétienne, apte à mettre à la disposition des intelligences et des coeurs la Parole de Celui qui a donné sa vie pour nous. De cette manière, la catéchèse fait retentir au coeur de chaque être humain un unique appel sans cesse renouvelé : « Suis-moi » (Mt 9, 9). Une soigneuse préparation des catéchistes permettra la transmission intégrale de la foi, à lexemple de saint Paul, le plus grand catéchiste de tous les temps, vers lequel nous regardons avec une admiration particulière en ce bimillénaire de sa naissance. Au milieu des soucis apostoliques, il exhortait ainsi : « Un temps viendra où lon ne supportera plus lenseignement solide, mais, au gré de leur caprice, les gens iront chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison dentendre du nouveau. Ils refuseront dentendre la Vérité pour se tourner vers des récits mythologiques » (2 Tm 4, 3-4). Conscients du grand réalisme de ses prévisions, avec humilité et persévérance vous vous efforcez de correspondre à ses recommandations : « Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps ... avec une grande patience et avec le souci dinstruire » (2 Tm 4, 2).
Pour réaliser efficacement cette tâche, vous avez besoin de collaborateurs. Pour cette raison les vocations sacerdotales et religieuses méritent plus que jamais dêtre encouragées. Jai été informé des initiatives qui sont prises avec foi en ce domaine, et je tiens à apporter tout mon soutien à ceux qui nont pas peur, tel le Christ, dinviter jeunes ou moins jeunes à se mettre au service du Maître qui est là et qui appelle (cf. Jn 11, 28). Je voudrais remercier chaleureusement et encourager toutes les familles, toutes les paroisses, toutes les communautés chrétiennes et tous les mouvements dÉglise qui sont la bonne terre qui donne le bon fruit (cf. Mt 13, 8) des vocations. Dans ce contexte, je ne veux pas omettre dexprimer ma reconnaissance pour les innombrables prières de vrais disciples du Christ et de son Église. Il y a parmi eux des prêtres, des religieux et religieuses, des personnes âgées ou des malades, des prisonniers aussi, qui durant des décennies ont fait monter vers Dieu leurs supplications pour accomplir le commandement de Jésus : « Priez donc le maître de la moisson denvoyer des ouvriers pour sa moisson » (Mt 9, 38). LÉvêque et les communautés de fidèles doivent, pour ce qui les concerne, favoriser et accueillir les vocations sacerdotales et religieuses, en sappuyant sur la grâce que donne lEsprit Saint pour opérer le discernement nécessaire. Oui, très chers Frères dans lépiscopat, continuez à appeler au sacerdoce et à la vie religieuse, tout comme Pierre a lancé ses filets sur lordre du Maître, alors quil avait passé la nuit à pêcher sans rien prendre (cf. Lc 5, 5).
On ne dira jamais assez que le sacerdoce est indispensable à lÉglise, dans lintérêt même du laïcat. Les prêtres sont un don de Dieu pour lÉglise. Les prêtres ne peuvent déléguer leurs fonctions aux fidèles en ce qui concerne leurs missions propres. Chers Frères dans lépiscopat, je vous invite à rester soucieux daider vos prêtres à vivre dans une union intime avec le Christ. Leur vie spirituelle est le fondement de leur vie apostolique. Vous les exhorterez avec douceur à la prière quotidienne et à la célébration digne des Sacrements, surtout de lEucharistie et de la Réconciliation, comme le faisait saint François de Sales pour ses prêtres. Tout prêtre doit pouvoir se sentir heureux de servir lÉglise. A lécole du curé dArs, fils de votre terre et patron de tous les curés du monde, ne cessez pas de redire quun homme ne peut rien faire de plus grand que de donner aux fidèles le corps et le sang du Christ, et de pardonner les péchés. Cherchez à être attentifs à leur formation humaine, intellectuelle et spirituelle et à leurs moyens dexistence. Essayez, malgré le poids de vos lourdes occupations, de les rencontrer régulièrement et sachez les recevoir comme des frères et des amis (cf. LG 28 et CPE 16). Les prêtres ont besoin de votre affection, de votre encouragement et de votre sollicitude. Soyez proches deux et ayez une attention particulière pour ceux qui sont en difficulté, malades ou âgés (cf. CPE 16). Noubliez pas quils sont comme le dit le Concile Vatican II, reprenant la superbe expression utilisée par saint Ignace dAntioche aux Magnésiens, « la couronne spirituelle de lÉvêque » (LG 41).
Le culte liturgique est lexpression suprême de la vie sacerdotale et épiscopale, comme aussi de lenseignement catéchétique. Votre charge de sanctification du peuple des fidèles, chers Frères, est indispensable à la croissance de lÉglise. Jai été amené à préciser, dans le Motu proprio Summorum Pontificum, les conditions dexercice de cette charge, en ce qui concerne la possibilité dutiliser aussi bien le missel du bienheureux Jean XXIII (1962) que celui du Pape Paul VI (1970). Des fruits de ces nouvelles dispositions ont déjà vu le jour, et jespère que lindispensable pacification des esprits est, grâce à Dieu, en train de se faire. Je mesure les difficultés qui sont les vôtres, mais je ne doute pas que vous puissiez parvenir, en temps raisonnable, à des solutions satisfaisantes pour tous, afin que la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage. Nul nest de trop dans lÉglise. Chacun, sans exception, doit pouvoir sy sentir chez lui, et jamais rejeté. Dieu qui aime tous les hommes et ne veut en perdre aucun nous confie cette mission de Pasteurs, en faisant de nous les Bergers de ses brebis. Nous ne pouvons que Lui rendre grâce de lhonneur et de la confiance quIl nous fait. Efforçons-nous donc toujours dêtre des serviteurs de lunité !
Quels sont les autres domaines qui requièrent une plus grande attention ? Les réponses peuvent différer dun diocèse à lautre, mais il y a certainement un problème qui apparaît partout dune urgence particulière : cest la situation de la famille. Nous savons que le couple et la famille affrontent aujourdhui de vraies bourrasques. Les paroles de lévangéliste à propos de la barque dans la tempête au milieu du lac peuvent sappliquer à la famille : « Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait » (Mc 4, 37). Les facteurs qui ont amené cette crise sont bien connus, et je ne mattarderai donc pas à les énumérer. Depuis plusieurs décennies, des lois ont relativisé en différents pays sa nature de cellule primordiale de la société. Souvent, elles cherchent plus à sadapter aux moeurs et aux revendications de personnes ou de groupes particuliers, quà promouvoir le bien commun de la société. Lunion stable dun homme et dune femme, ordonnée à la construction dun bonheur terrestre grâce à la naissance denfants donnés par Dieu, nest plus, dans lesprit de certains, le modèle auquel lengagement conjugal se réfère. Cependant lexpérience enseigne que la famille est le socle sur lequel repose toute la société. De plus, le chrétien sait que la famille est aussi la cellule vivante de lÉglise. Plus la famille sera imprégnée de lesprit et des valeurs de lÉvangile, plus lÉglise elle-même en sera enrichie et répondra mieux à sa vocation. Dailleurs je connais et jencourage vivement les efforts que vous faites afin dapporter votre soutien aux différentes associations qui oeuvrent pour aider les familles. Vous avez raison de maintenir, même à contre-courant, les principes qui font la force et la grandeur du Sacrement de mariage. LÉglise veut rester indéfectiblement fidèle au mandat que lui a confié son Fondateur, notre Maître et Seigneur Jésus-Christ. Elle ne cesse de répéter avec Lui : « Ce que Dieu a uni, que lhomme ne le sépare pas ! » (Mt 19, 6). LÉglise ne sest pas donné cette mission : elle la reçue. Certes, personne ne peut nier lexistence dépreuves, parfois très douloureuses, que traversent certains foyers. Il faudra accompagner ces foyers en difficulté, les aider à comprendre la grandeur du mariage, et les encourager à ne pas relativiser la volonté de Dieu et les lois de vie quIl nous a données. Une question particulièrement douloureuse est celle des divorcés remariés. LÉglise, qui ne peut sopposer à la volonté du Christ, maintient fermement le principe de lindissolubilité du mariage, tout en entourant de la plus grande affection ceux et celles qui, pour de multiples raisons, ne parviennent pas à le respecter. On ne peut donc admettre les initiatives qui visent à bénir des unions illégitimes. LExhortation apostolique Familiaris consortio a indiqué le chemin ouvert par une pensée respectueuse de la vérité et de la charité.
Les jeunes, je le sais bien, chers Frères, sont au centre de vos préoccupations. Vous leur consacrez beaucoup de temps, et vous avez raison. Ainsi que vous avez pu le constater, je viens den rencontrer une multitude à Sydney, au cours de la Journée Mondiale de la Jeunesse. Jai apprécié leur enthousiasme et leur capacité de se consacrer à la prière. Tout en vivant dans un monde qui les courtise et qui flatte leurs bas instincts, portant, eux aussi, le poids bien lourd dhéritages difficiles à assumer, les jeunes conservent une fraîcheur dâme qui a fait mon admiration. Jai fait appel à leur sens des responsabilités en les invitant à sappuyer toujours sur la vocation que Dieu leur a donnée au jour de leur Baptême. « Notre force, cest ce que le Christ veut de nous », disait le Cardinal Jean-Marie Lustiger. Au cours de son premier voyage en France, mon vénéré Prédécesseur avait fait entendre aux jeunes de votre pays un discours qui na rien perdu de son actualité et qui avait alors reçu un accueil dune ferveur inoubliable. « La permissivité morale ne rend pas lhomme heureux », avait-il proclamé au Parc-des-Princes, sous des tonnerres dapplaudissements. Le bon sens qui inspirait la saine réaction de son auditoire nest pas mort. Je prie lEsprit Saint de parler au coeur de tous les fidèles et, plus généralement, de tous vos compatriotes, afin de leur donner - ou de leur rendre - le goût dune vie menée selon les critères dun bonheur véritable.
A lÉlysée, jai évoqué lautre jour loriginalité de la situation française que le Saint-Siège désire respecter. Je suis convaincu, en effet, que les Nations ne doivent jamais accepter de voir disparaître ce qui fait leur identité propre. Dans une famille, les différents membres ont beau avoir le même père et la même mère, ils ne sont pas des individus indifférenciés, mais bien des personnes avec leur propre singularité. Il en va de même pour les pays, qui doivent veiller à préserver et développer leur culture propre, sans jamais la laisser absorber par dautres ou se noyer dans une terne uniformité. « La Nation est en effet, pour reprendre les termes du Pape Jean-Paul II, la grande communauté des hommes qui sont unis par des liens divers, mais surtout, précisément, par la culture. La Nation existe "par" la culture et "pour" la culture, et elle est donc la grande éducatrice des hommes pour quils puissent "être davantage" dans la communauté » (Discours à lUNESCO, 2 juin 1980, n. 14). Dans cette perspective, la mise en évidence des racines chrétiennes de la France permettra à chacun des habitants de ce Pays de mieux comprendre doù il vient et où il va. Par conséquent, dans le cadre institutionnel existant et dans le plus grand respect des lois en vigueur, il faudrait trouver une voie nouvelle pour interpréter et vivre au quotidien les valeurs fondamentales sur lesquelles sest construite lidentité de la Nation. Votre Président en a évoqué la possibilité.
Les présupposés sociopolitiques dune antique méfiance, ou même dhostilité, sévanouissent peu à peu. LÉglise ne revendique pas la place de lÉtat. Elle ne veut pas se substituer à lui. Elle est une société basée sur des convictions, qui se sait responsable du tout et ne peut se limiter à elle-même. Elle parle avec liberté, et dialogue avec autant de liberté dans le seul désir darriver à la construction de la liberté commune. Une saine collaboration entre la Communauté politique et lÉglise, réalisée dans la conscience et le respect de lindépendance et lautonomie de chacune dans son propre domaine, est un service rendu à lhomme, ordonné à son épanouissement personnel et social. De nombreux points, prémices dautres qui sy ajouteront selon les nécessités, ont déjà été examinés et résolus au sein de l « Instance de Dialogue entre lÉglise et lÉtat ». En vertu de sa mission propre et au nom du Saint-Siège, le Nonce Apostolique y siège naturellement, lui qui est appelé à suivre activement la vie de lÉglise et sa situation dans la société.
Comme vous le savez, mes prédécesseurs, le bienheureux Jean XXIII, ancien Nonce à Paris, et le Pape Paul VI, ont voulu des Secrétariats qui sont devenus, en 1988, le Conseil Pontifical pour la promotion de lUnité des Chrétiens et le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux. Sy ajoutèrent très vite la Commission pour les Rapports Religieux avec le Judaïsme et la Commission pour les Rapports Religieux avec les Musulmans. Ces structures sont en quelque sorte la reconnaissance institutionnelle et conciliaire des innombrables initiatives et réalisations antérieures. Des commissions ou conseils similaires se trouvent dailleurs dans votre Conférence Épiscopale et dans vos Diocèses. Leur existence et leur fonctionnement démontrent la volonté de lÉglise daller de lavant (...) dans le dialogue bilatéral. La récente Assemblée plénière du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux a mis en évidence que le dialogue authentique demande comme conditions fondamentales une bonne formation pour ceux qui le promeuvent, et un discernement éclairé pour avancer peu à peu dans la découverte de la Vérité. Lobjectif des dialogues oecuménique et interreligieux, différents naturellement dans leur nature et leur finalité respective, est la recherche et lapprofondissement de la Vérité. Il sagit donc dune tâche noble et obligatoire pour tout homme de foi, car le Christ lui-même est la Vérité. La construction des ponts entre les grandes traditions ecclésiales chrétiennes et le dialogue avec les autres traditions religieuses, exigent un réel effort de connaissance réciproque, car lignorance détruit plus quelle ne construit. Par ailleurs, il ny a que la Vérité qui permette de vivre authentiquement le double Commandement de lAmour que nous a laissé Notre Sauveur. Certes, il faut suivre avec attention les différentes initiatives entreprises et discerner celles qui favorisent la connaissance et le respect réciproques, ainsi que la promotion du dialogue, et éviter celles qui conduisent à des impasses. La bonne volonté ne suffit pas. Je crois quil est bon de commencer par lécoute, puis de passer à la discussion théologique pour arriver enfin au témoignage et à lannonce de la foi elle-même (cf. Note doctrinale sur certains aspects de lévangélisation, n. 12, 3 décembre 2007). Puisse lEsprit Saint vous donner le discernement qui doit caractériser tout Pasteur ! Saint Paul recommande : « Discernez la valeur de toute chose. Ce qui est bien, gardez-le ! » (1 Th 5, 21). La société globalisée, pluriculturelle et pluri-religieuse dans laquelle nous vivons, est une opportunité que nous donne le Seigneur de proclamer la Vérité et dexercer lAmour afin datteindre tout être humain sans distinction, même au-delà des limites de lÉglise visible.
Lannée qui a précédé mon élection au Siège de Pierre, jai eu la joie de venir dans votre pays pour y présider les cérémonies commémoratives du soixantième anniversaire du débarquement en Normandie. Rarement comme alors, jai senti lattachement des fils et des filles de France à la terre de leurs aïeux. La France célébrait alors sa libération temporelle, au terme dune guerre cruelle qui avait fait de nombreuses victimes. Aujourdhui, cest surtout en vue dune véritable libération spirituelle quil convient doeuvrer. Lhomme a toujours besoin dêtre libéré de ses peurs et de ses péchés. Lhomme doit sans cesse apprendre ou réapprendre que Dieu nest pas son ennemi, mais son Créateur plein de bonté. Lhomme a besoin de savoir que sa vie a un sens et quil est attendu, au terme de son séjour sur la terre, pour partager à jamais la gloire du Christ dans les cieux. Votre mission est damener la portion du Peuple de Dieu confiée à vos soins à la reconnaissance de ce terme glorieux. Veuillez trouver ici lexpression de mon admiration et de ma gratitude pour tout ce que vous faites afin daller en ce sens. Veuillez être assurés de ma prière quotidienne pour chacun de vous. Veuillez croire que je ne cesse de demander au Seigneur et à sa Mère de vous guider sur votre route. Avec joie et émotion, je vous confie, très chers Frères dans lÉpiscopat, à Notre Dame de Lourdes et à sainte Bernadette. La puissance de Dieu sest toujours déployée dans la faiblesse. LEsprit Saint a toujours lavé ce qui était souillé, abreuvé ce qui était sec, redressé ce qui était déformé. Le Christ Sauveur, qui a bien voulu faire de nous les instruments de la communication de son amour aux hommes, ne cessera jamais de vous faire grandir dans la foi, lespérance et la charité, pour vous donner la joie damener à Lui un nombre croissant dhommes et de femmes de notre temps. En vous confiant à sa force de Rédempteur, je vous donne à tous et de tout coeur une affectueuse Bénédiction Apostolique.