Homélie du Pape aux Invalides
Monsieur le Cardinal Vingt-Trois, Messieurs les Cardinaux et Chers Frères dans lÉpiscopat, Frères et surs dans le Christ,
Jésus-Christ nous rassemble en cet admirable lieu, au cur de Paris, en ce jour où lÉglise universelle fête saint Jean Chrysostome, lun de ses plus grands Docteurs qui par son témoignage de vie et son enseignement, a montré efficacement aux chrétiens la route à suivre. Je salue avec joie toutes les Autorités qui mont accueilli en cette noble cité, tout spécialement le Cardinal André Vingt-Trois, que je remercie pour ses aimables paroles. Je salue aussi tous les Évêques, les Prêtres, les Diacres qui mentourent pour la célébration du sacrifice du Christ. Je remercie toutes les Personnalités, en particulier Monsieur le Premier Ministre, qui ont tenu à être présentes ici ce matin ; je les assure de ma prière fervente pour laccomplissement de leur haute mission au service de leurs concitoyens.
La première Lettre de saint Paul, adressée aux Corinthiens, nous fait découvrir, en cette année paulinienne qui sest ouverte le 28 juin dernier, à quel point les conseils donnés par lApôtre restent dactualité. « Fuyez le culte des idoles » (1Co 10, 14), écrit-il à une communauté très marquée par le paganisme et partagée entre ladhésion à la nouveauté de Évangile et lobservance de vieilles pratiques héritées de ses ancêtres. Fuir les idoles, cela voulait dire alors, cesser dhonorer les divinités de lOlympe et de leur offrir des sacrifices sanglants. Fuir les idoles, cétait se mettre à lécole des prophètes de lAncien Testament qui dénonçaient la tendance humaine à se forger de fausses représentations de Dieu. Comme le dit le Psaume 113 à propos des statues des idoles, elles ne sont qu « or et argent, ouvrages de mains humaines. Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et nentendent pas, des narines et ne sentent pas » (4-5). Hormis le peuple dIsraël, qui avait reçu la révélation du Dieu unique, le monde antique était asservi au culte des idoles. Très présentes à Corinthe, les erreurs du paganisme devaient être dénoncées, car elles constituaient une puissante aliénation et détournaient lhomme de sa véritable destinée. Elles lempêchaient de reconnaître que le Christ est le seul et le vrai Sauveur, le seul qui indique à lhomme le chemin vers Dieu.
Cet appel à fuir les idoles reste pertinent aujourdhui. Le monde contemporain ne sest-il pas créé ses propres idoles ? Na-t-il pas imité, peut-être à son insu, les païens de lAntiquité, en détournant lhomme de sa fin véritable, du bonheur de vivre éternellement avec Dieu ? Cest là une question que tout homme, honnête avec lui-même, ne peut que se poser. Quest-ce qui est important dans ma vie ? Quest-ce que je mets à la première place ? Le mot « idole » vient du grec et signifie « image », « figure », « représentation », mais aussi « spectre », « fantôme », « vaine apparence ». Lidole est un leurre, car elle détourne son serviteur de la réalité pour le cantonner dans le royaume des apparences. Or nest-ce pas une tentation propre à notre époque, la seule sur laquelle nous puissions agir efficacement ? Tentation didolâtrer un passé qui nexiste plus, en oubliant ses carences, tentation didolâtrer un avenir qui nexiste pas encore, en croyant que, par ses seules forces, lhomme réalisera le bonheur éternel sur la terre ! Saint Paul explique aux Colossiens que la cupidité insatiable est une idolâtrie (Cf. 3,5) et il rappelle à son disciple Timothée que lamour de largent est la racine de tous les maux. Pour sy être livrés, précise-t-il, « certains se sont égarés loin de la foi et se sont infligés à eux-mêmes des tourments sans nombre » (1 Tm6, 10). Largent, la soif de lavoir, du pouvoir et même du savoir nont-ils pas détourné lhomme de sa Fin véritable, de sa propre Vérité ?
Chers frères et surs, la question que nous pose la liturgie de ce jour trouve sa réponse dans cette même liturgie, que nous avons héritée de nos Pères dans la foi, et notamment de saint Paul lui-même (Cf. 1 Co 11, 23). Dans son commentaire de ce texte, saint Jean Chrysostome fait remarquer que saint Paul condamne sévèrement lidolâtrie, qui est une « faute grave », un « scandale », une véritable « peste » (Homélie 24 sur la première Lettre aux Corinthiens, 1). Immédiatement, il ajoute que cette condamnation radicale de lidolâtrie nest en aucun cas une condamnation de la personne de lidolâtre. Jamais, dans nos jugements, nous ne devons confondre le péché qui est inacceptable, et le pécheur dont nous ne pouvons pas juger létat de la conscience et qui, de toute façon, est toujours susceptible de conversion et de pardon. Saint Paul en appelle à la raison de ses lecteurs : « Je vous parle comme à des gens réfléchis : jugez vous-mêmes de ce que je dis » (1 Co 10, 15). Jamais Dieu ne demande à lhomme de faire le sacrifice de sa raison ! Jamais la raison nentre en contradiction réelle avec la foi ! Lunique Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, a créé notre raison et nous donne la foi, en proposant à notre liberté de la recevoir comme un don précieux. Cest le culte des idoles qui détourne lhomme de cette perspective, et la raison elle-même peut se forger des idoles. Demandons donc à Dieu qui nous voit et nous entend, de nous aider à nous purifier de toutes nos idoles, pour accéder à la vérité de notre être, pour accéder à la vérité de son être infini !
Mais comment parvenir à Dieu ? Comment parvenir à trouver ou retrouver Celui que lhomme cherche au plus profond de lui-même, tout en loubliant si souvent ? Saint Paul nous demande de faire usage non seulement de notre raison, mais surtout de notre foi pour le découvrir. Or, que nous dit la foi ? Le pain que nous rompons est communion au Corps du Christ ; la coupe daction de grâce que nous bénissons est communion au Sang du Christ. Révélation extraordinaire, qui nous vient du Christ et qui nous est transmise par les Apôtres et par toute lÉglise depuis deux millénaires : le Christ a institué le sacrement de lEucharistie au soir du Jeudi Saint. Il a voulu que son sacrifice soit de nouveau présenté, de manière non sanglante, chaque fois quun prêtre redit les paroles de la consécration sur le pain et le vin. Des millions de fois, depuis deux mille ans, dans la plus humble des chapelles comme dans la plus grandiose des basiliques ou des cathédrales, le Seigneur ressuscité sest donné à son peuple, devenant ainsi, selon la formule de saint Augustin, « plus intime à nous-mêmes que nous mêmes » (cf. Confessions III, 6. 11).
Frères et surs, entourons de la plus grande vénération le sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, le Très Saint-Sacrement de la présence réelle du Seigneur à son Église et à toute lhumanité. Ne négligeons rien pour lui manifester notre respect et notre amour ! Donnons-lui les plus grandes marques dhonneur ! Par nos paroles, nos silences et nos gestes, nacceptons jamais de laisser saffadir en nous et autour de nous la foi dans le Christ ressuscité présent dans lEucharistie ! Comme le dit magnifiquement saint Jean Chrysostome lui-même : « Passons en revue les ineffables bienfaits de Dieu et tous les biens dont il nous fait jouir, lorsque nous lui offrons cette coupe, lorsque nous communions, lui rendant grâce davoir délivré le genre humain de lerreur, davoir rapproché de lui ceux qui en étaient éloignés, davoir fait, des désespérés, et des athées de ce monde, un peuple de frères, de cohéritiers du Fils de Dieu » (Homélie 24 sur la Première Lettre aux Corinthiens, 1). En effet, poursuit-il, « ce qui est dans la coupe, cest précisément ce qui a coulé de son côté, et cest à cela que nous participons » (ibid.). Il ny a pas seulement participation et partage, il y a « union », dit-il.
La Messe est le sacrifice daction de grâce par excellence, celui qui nous permet dunir notre propre action de grâce à celle du Sauveur, le Fils éternel du Père. En elle-même, la Messe nous invite aussi à fuir les idoles, car, saint Paul insiste, « vous ne pouvez pas en même temps prendre part à la table du Seigneur et à celle des esprits mauvais » (1 Co 10, 21). La Messe nous invite à discerner ce qui, en nous, obéit à lEsprit de Dieu et ce qui, en nous, reste à lécoute de lesprit du mal. Dans la Messe, nous ne voulons appartenir quau Christ et nous reprenons avec gratitude le cri du psalmiste : « Comment rendrai je au Seigneur tout le bien quIl ma fait ? » (Ps 115, 12). Oui, comment rendre grâce au Seigneur pour la vie quIl nous a donnée ? Là encore, la réponse à la question du psalmiste se trouve dans le psaume lui-même, car la Parole de Dieu répond miséricordieusement elle-même aux questions quelle pose. Comment rendre grâce au Seigneur pour tout le bien quil nous fait sinon en se conformant à ses propres paroles : « Jélèverai la coupe du salut, jinvoquerai le nom du Seigneur » (Ps 115,13) ?
Élever la coupe du salut et invoquer le nom du Seigneur, nest-ce pas précisément le meilleur moyen de « fuir les idoles », comme nous le demande saint Paul ? Chaque fois quune Messe est célébrée, chaque fois que le Christ se rend sacramentellement présent dans son Église, cest luvre de notre salut qui saccomplit. Célébrer lEucharistie signifie reconnaître que Dieu seul est en mesure de nous offrir le bonheur en plénitude, de nous enseigner les vraies valeurs, les valeurs éternelles qui ne connaîtront jamais de couchant. Dieu est présent sur lautel, mais il est aussi présent sur lautel de notre cur lorsque, en communiant, nous le recevons dans le Sacrement eucharistique. Lui seul nous apprend à fuir les idoles, mirages de la pensée.
Or, chers frères et surs, qui peut élever la coupe du salut et invoquer le nom du Seigneur au nom du peuple de Dieu tout entier, sinon le prêtre ordonné dans ce but par lÉvêque ? Ici, chers fidèles de Paris et de la région parisienne, mais aussi vous tous qui êtes venus de la France entière et dautres pays limitrophes, permettez-moi de lancer un appel confiant en la foi et en la générosité des jeunes qui se posent la question de la vocation religieuse ou sacerdotale : nayez pas peur ! Nayez pas peur de donner votre vie au Christ ! Rien ne remplacera jamais le ministère des prêtres au cur de lÉglise ! Rien ne remplacera jamais une Messe pour le Salut du monde ! Chers jeunes ou moins jeunes qui mécoutez, ne laissez pas lappel du Christ sans réponse. Saint Jean Chrysostome, dans son Traité sur le sacerdoce, a montré combien la réponse de lhomme pouvait être lente à venir, cependant il est lexemple vivant de laction de Dieu au cur dune liberté humaine qui se laisse façonner par sa grâce. Enfin, si nous reprenons les Paroles que le Christ nous a laissées dans son Évangile, nous verrons quIl nous a lui-même appris à fuir lidolâtrie, en nous invitant à bâtir notre maison « sur le roc » (Lc 6, 48). Qui est ce roc, sinon Lui-même ? Nos pensées, nos paroles et nos actions nacquièrent leur véritable dimension que si nous les référons au message de lÉvangile. « Ce que dit la bouche, cest ce qui déborde du cur » (Lc 6, 45). Lorsque nous parlons, cherchons-nous le bien de notre interlocuteur ? Lorsque nous pensons, cherchons-nous à mettre notre pensée en accord avec la pensée de Dieu ?
Lorsque nous agissons, cherchons-nous à répandre lAmour qui nous fait vivre ? Saint Jean Chrysostome dit encore : « maintenant, si nous participons tous au même pain, et si tous nous devenons cette même substance, pourquoi ne montrons-nous pas la même charité ? Pourquoi, pour la même raison, ne devenons-nous pas un même tout unique ? ... ô homme, cest le Christ qui est venu te chercher, toi qui étais si loin de lui, pour sunir à toi ; et toi, tu ne veux pas tunir à ton frère ? » (Homélie 24 sur la Première Lettre aux Corinthiens, 2). Lespérance demeurera toujours la plus forte ! LÉglise, bâtie sur le roc du Christ, possède les promesses de la vie éternelle, non parce que ses membres seraient plus saints que tous les autres hommes, mais parce que le Christ a fait cette promesse à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et la puissance de la mort ne lemportera pas sur elle. » (Mt 16, 18). Dans cette espérance indéfectible de la présence éternelle de Dieu à chacune de nos âmes, dans cette joie de savoir que le Christ est avec nous jusquà la fin des temps, dans cette force que lEsprit donne à tous ceux et à toutes celles qui acceptent de se laisser saisir par lui, je vous confie, chers chrétiens de Paris et de France, à laction puissante et miséricordieuse du Dieu damour qui est mort pour nous sur la Croix et ressuscité victorieusement au matin de Pâques. À tous les hommes de bonne volonté qui mécoutent, je redis comme saint Paul : Fuyez le culte des idoles, ne vous lassez pas de faire le bien !
Que Dieu notre Père vous conduise à Lui et fasse briller sur vous la splendeur de sa gloire ! Que le Fils unique de Dieu, notre Maître et notre Frère, vous révèle la beauté de son visage de Ressuscité ! Que lEsprit Saint vous comble de ses dons et vous donne la joie de connaître la paix et la lumière de la Très Sainte Trinité, maintenant et dans les siècles des siècles !
Amen !
Jésus-Christ nous rassemble en cet admirable lieu, au cur de Paris, en ce jour où lÉglise universelle fête saint Jean Chrysostome, lun de ses plus grands Docteurs qui par son témoignage de vie et son enseignement, a montré efficacement aux chrétiens la route à suivre. Je salue avec joie toutes les Autorités qui mont accueilli en cette noble cité, tout spécialement le Cardinal André Vingt-Trois, que je remercie pour ses aimables paroles. Je salue aussi tous les Évêques, les Prêtres, les Diacres qui mentourent pour la célébration du sacrifice du Christ. Je remercie toutes les Personnalités, en particulier Monsieur le Premier Ministre, qui ont tenu à être présentes ici ce matin ; je les assure de ma prière fervente pour laccomplissement de leur haute mission au service de leurs concitoyens.
La première Lettre de saint Paul, adressée aux Corinthiens, nous fait découvrir, en cette année paulinienne qui sest ouverte le 28 juin dernier, à quel point les conseils donnés par lApôtre restent dactualité. « Fuyez le culte des idoles » (1Co 10, 14), écrit-il à une communauté très marquée par le paganisme et partagée entre ladhésion à la nouveauté de Évangile et lobservance de vieilles pratiques héritées de ses ancêtres. Fuir les idoles, cela voulait dire alors, cesser dhonorer les divinités de lOlympe et de leur offrir des sacrifices sanglants. Fuir les idoles, cétait se mettre à lécole des prophètes de lAncien Testament qui dénonçaient la tendance humaine à se forger de fausses représentations de Dieu. Comme le dit le Psaume 113 à propos des statues des idoles, elles ne sont qu « or et argent, ouvrages de mains humaines. Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et nentendent pas, des narines et ne sentent pas » (4-5). Hormis le peuple dIsraël, qui avait reçu la révélation du Dieu unique, le monde antique était asservi au culte des idoles. Très présentes à Corinthe, les erreurs du paganisme devaient être dénoncées, car elles constituaient une puissante aliénation et détournaient lhomme de sa véritable destinée. Elles lempêchaient de reconnaître que le Christ est le seul et le vrai Sauveur, le seul qui indique à lhomme le chemin vers Dieu.
Cet appel à fuir les idoles reste pertinent aujourdhui. Le monde contemporain ne sest-il pas créé ses propres idoles ? Na-t-il pas imité, peut-être à son insu, les païens de lAntiquité, en détournant lhomme de sa fin véritable, du bonheur de vivre éternellement avec Dieu ? Cest là une question que tout homme, honnête avec lui-même, ne peut que se poser. Quest-ce qui est important dans ma vie ? Quest-ce que je mets à la première place ? Le mot « idole » vient du grec et signifie « image », « figure », « représentation », mais aussi « spectre », « fantôme », « vaine apparence ». Lidole est un leurre, car elle détourne son serviteur de la réalité pour le cantonner dans le royaume des apparences. Or nest-ce pas une tentation propre à notre époque, la seule sur laquelle nous puissions agir efficacement ? Tentation didolâtrer un passé qui nexiste plus, en oubliant ses carences, tentation didolâtrer un avenir qui nexiste pas encore, en croyant que, par ses seules forces, lhomme réalisera le bonheur éternel sur la terre ! Saint Paul explique aux Colossiens que la cupidité insatiable est une idolâtrie (Cf. 3,5) et il rappelle à son disciple Timothée que lamour de largent est la racine de tous les maux. Pour sy être livrés, précise-t-il, « certains se sont égarés loin de la foi et se sont infligés à eux-mêmes des tourments sans nombre » (1 Tm6, 10). Largent, la soif de lavoir, du pouvoir et même du savoir nont-ils pas détourné lhomme de sa Fin véritable, de sa propre Vérité ?
Chers frères et surs, la question que nous pose la liturgie de ce jour trouve sa réponse dans cette même liturgie, que nous avons héritée de nos Pères dans la foi, et notamment de saint Paul lui-même (Cf. 1 Co 11, 23). Dans son commentaire de ce texte, saint Jean Chrysostome fait remarquer que saint Paul condamne sévèrement lidolâtrie, qui est une « faute grave », un « scandale », une véritable « peste » (Homélie 24 sur la première Lettre aux Corinthiens, 1). Immédiatement, il ajoute que cette condamnation radicale de lidolâtrie nest en aucun cas une condamnation de la personne de lidolâtre. Jamais, dans nos jugements, nous ne devons confondre le péché qui est inacceptable, et le pécheur dont nous ne pouvons pas juger létat de la conscience et qui, de toute façon, est toujours susceptible de conversion et de pardon. Saint Paul en appelle à la raison de ses lecteurs : « Je vous parle comme à des gens réfléchis : jugez vous-mêmes de ce que je dis » (1 Co 10, 15). Jamais Dieu ne demande à lhomme de faire le sacrifice de sa raison ! Jamais la raison nentre en contradiction réelle avec la foi ! Lunique Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, a créé notre raison et nous donne la foi, en proposant à notre liberté de la recevoir comme un don précieux. Cest le culte des idoles qui détourne lhomme de cette perspective, et la raison elle-même peut se forger des idoles. Demandons donc à Dieu qui nous voit et nous entend, de nous aider à nous purifier de toutes nos idoles, pour accéder à la vérité de notre être, pour accéder à la vérité de son être infini !
Mais comment parvenir à Dieu ? Comment parvenir à trouver ou retrouver Celui que lhomme cherche au plus profond de lui-même, tout en loubliant si souvent ? Saint Paul nous demande de faire usage non seulement de notre raison, mais surtout de notre foi pour le découvrir. Or, que nous dit la foi ? Le pain que nous rompons est communion au Corps du Christ ; la coupe daction de grâce que nous bénissons est communion au Sang du Christ. Révélation extraordinaire, qui nous vient du Christ et qui nous est transmise par les Apôtres et par toute lÉglise depuis deux millénaires : le Christ a institué le sacrement de lEucharistie au soir du Jeudi Saint. Il a voulu que son sacrifice soit de nouveau présenté, de manière non sanglante, chaque fois quun prêtre redit les paroles de la consécration sur le pain et le vin. Des millions de fois, depuis deux mille ans, dans la plus humble des chapelles comme dans la plus grandiose des basiliques ou des cathédrales, le Seigneur ressuscité sest donné à son peuple, devenant ainsi, selon la formule de saint Augustin, « plus intime à nous-mêmes que nous mêmes » (cf. Confessions III, 6. 11).
Frères et surs, entourons de la plus grande vénération le sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, le Très Saint-Sacrement de la présence réelle du Seigneur à son Église et à toute lhumanité. Ne négligeons rien pour lui manifester notre respect et notre amour ! Donnons-lui les plus grandes marques dhonneur ! Par nos paroles, nos silences et nos gestes, nacceptons jamais de laisser saffadir en nous et autour de nous la foi dans le Christ ressuscité présent dans lEucharistie ! Comme le dit magnifiquement saint Jean Chrysostome lui-même : « Passons en revue les ineffables bienfaits de Dieu et tous les biens dont il nous fait jouir, lorsque nous lui offrons cette coupe, lorsque nous communions, lui rendant grâce davoir délivré le genre humain de lerreur, davoir rapproché de lui ceux qui en étaient éloignés, davoir fait, des désespérés, et des athées de ce monde, un peuple de frères, de cohéritiers du Fils de Dieu » (Homélie 24 sur la Première Lettre aux Corinthiens, 1). En effet, poursuit-il, « ce qui est dans la coupe, cest précisément ce qui a coulé de son côté, et cest à cela que nous participons » (ibid.). Il ny a pas seulement participation et partage, il y a « union », dit-il.
La Messe est le sacrifice daction de grâce par excellence, celui qui nous permet dunir notre propre action de grâce à celle du Sauveur, le Fils éternel du Père. En elle-même, la Messe nous invite aussi à fuir les idoles, car, saint Paul insiste, « vous ne pouvez pas en même temps prendre part à la table du Seigneur et à celle des esprits mauvais » (1 Co 10, 21). La Messe nous invite à discerner ce qui, en nous, obéit à lEsprit de Dieu et ce qui, en nous, reste à lécoute de lesprit du mal. Dans la Messe, nous ne voulons appartenir quau Christ et nous reprenons avec gratitude le cri du psalmiste : « Comment rendrai je au Seigneur tout le bien quIl ma fait ? » (Ps 115, 12). Oui, comment rendre grâce au Seigneur pour la vie quIl nous a donnée ? Là encore, la réponse à la question du psalmiste se trouve dans le psaume lui-même, car la Parole de Dieu répond miséricordieusement elle-même aux questions quelle pose. Comment rendre grâce au Seigneur pour tout le bien quil nous fait sinon en se conformant à ses propres paroles : « Jélèverai la coupe du salut, jinvoquerai le nom du Seigneur » (Ps 115,13) ?
Élever la coupe du salut et invoquer le nom du Seigneur, nest-ce pas précisément le meilleur moyen de « fuir les idoles », comme nous le demande saint Paul ? Chaque fois quune Messe est célébrée, chaque fois que le Christ se rend sacramentellement présent dans son Église, cest luvre de notre salut qui saccomplit. Célébrer lEucharistie signifie reconnaître que Dieu seul est en mesure de nous offrir le bonheur en plénitude, de nous enseigner les vraies valeurs, les valeurs éternelles qui ne connaîtront jamais de couchant. Dieu est présent sur lautel, mais il est aussi présent sur lautel de notre cur lorsque, en communiant, nous le recevons dans le Sacrement eucharistique. Lui seul nous apprend à fuir les idoles, mirages de la pensée.
Or, chers frères et surs, qui peut élever la coupe du salut et invoquer le nom du Seigneur au nom du peuple de Dieu tout entier, sinon le prêtre ordonné dans ce but par lÉvêque ? Ici, chers fidèles de Paris et de la région parisienne, mais aussi vous tous qui êtes venus de la France entière et dautres pays limitrophes, permettez-moi de lancer un appel confiant en la foi et en la générosité des jeunes qui se posent la question de la vocation religieuse ou sacerdotale : nayez pas peur ! Nayez pas peur de donner votre vie au Christ ! Rien ne remplacera jamais le ministère des prêtres au cur de lÉglise ! Rien ne remplacera jamais une Messe pour le Salut du monde ! Chers jeunes ou moins jeunes qui mécoutez, ne laissez pas lappel du Christ sans réponse. Saint Jean Chrysostome, dans son Traité sur le sacerdoce, a montré combien la réponse de lhomme pouvait être lente à venir, cependant il est lexemple vivant de laction de Dieu au cur dune liberté humaine qui se laisse façonner par sa grâce. Enfin, si nous reprenons les Paroles que le Christ nous a laissées dans son Évangile, nous verrons quIl nous a lui-même appris à fuir lidolâtrie, en nous invitant à bâtir notre maison « sur le roc » (Lc 6, 48). Qui est ce roc, sinon Lui-même ? Nos pensées, nos paroles et nos actions nacquièrent leur véritable dimension que si nous les référons au message de lÉvangile. « Ce que dit la bouche, cest ce qui déborde du cur » (Lc 6, 45). Lorsque nous parlons, cherchons-nous le bien de notre interlocuteur ? Lorsque nous pensons, cherchons-nous à mettre notre pensée en accord avec la pensée de Dieu ?
Lorsque nous agissons, cherchons-nous à répandre lAmour qui nous fait vivre ? Saint Jean Chrysostome dit encore : « maintenant, si nous participons tous au même pain, et si tous nous devenons cette même substance, pourquoi ne montrons-nous pas la même charité ? Pourquoi, pour la même raison, ne devenons-nous pas un même tout unique ? ... ô homme, cest le Christ qui est venu te chercher, toi qui étais si loin de lui, pour sunir à toi ; et toi, tu ne veux pas tunir à ton frère ? » (Homélie 24 sur la Première Lettre aux Corinthiens, 2). Lespérance demeurera toujours la plus forte ! LÉglise, bâtie sur le roc du Christ, possède les promesses de la vie éternelle, non parce que ses membres seraient plus saints que tous les autres hommes, mais parce que le Christ a fait cette promesse à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et la puissance de la mort ne lemportera pas sur elle. » (Mt 16, 18). Dans cette espérance indéfectible de la présence éternelle de Dieu à chacune de nos âmes, dans cette joie de savoir que le Christ est avec nous jusquà la fin des temps, dans cette force que lEsprit donne à tous ceux et à toutes celles qui acceptent de se laisser saisir par lui, je vous confie, chers chrétiens de Paris et de France, à laction puissante et miséricordieuse du Dieu damour qui est mort pour nous sur la Croix et ressuscité victorieusement au matin de Pâques. À tous les hommes de bonne volonté qui mécoutent, je redis comme saint Paul : Fuyez le culte des idoles, ne vous lassez pas de faire le bien !
Que Dieu notre Père vous conduise à Lui et fasse briller sur vous la splendeur de sa gloire ! Que le Fils unique de Dieu, notre Maître et notre Frère, vous révèle la beauté de son visage de Ressuscité ! Que lEsprit Saint vous comble de ses dons et vous donne la joie de connaître la paix et la lumière de la Très Sainte Trinité, maintenant et dans les siècles des siècles !
Amen !